Il y a dix jours, réveil : « Merde, Louis, il va falloir que tu trouves un Ultra Lavallois »… Un Ultra Lavallois… « Bon, tu as dix jours pour trouver un supporter de… tu sais, ce club du centre-ouest de la France, qui ne cesse de cristalliser les vannes en tout genre ». A ce moment-là, stoïque, je me répétais : « Je dois bien avoir quelqu’un dans mon entourage qui connait quelqu’un qui connait quelqu’un qui… », enfin bref, tu vois le genre ? Et bien les amis, cet ultra lavallois, j’ai fini par le trouver. Et cet ultra lavallois, ce sera @FrantixLeBasser. Et Frantix, les copains, c’est du lourd. Du très, très lourd !
BM : Salut l’ami Frantix, tout d’abord merci à toi de jouer le jeu de l’interview de supporter de Bollaert Mécanique !
Frantix : Bonjour, c’est avec plaisir. Même si je dois bien avouer un léger goût amer puisque je ne pourrais pas me rendre à Bollaert lundi. J’y avais été lors des deux dernières confrontations (victoire de Lens 1-0 sur penalty, et 0-0), j’avais adoré. Mais à force de mettre le Stade lavallois à la télévision, c’est comme pour tout, le buisness tue la passion des vrais supporters… En vrai, je passe le week-end à La Baule pour le boulot.
BM : En fait, j’aimerais que tu présentes ton club, mais surtout, la love story que tu as avec lui…
Frantix : Mon premier match à Le-Basser remonte à 1993 (à jamais le premier). Un Laval-Red Star en D2, à 30 francs, victoire 1-0. Dix ans pile après la fameuse épopée du club en Coupe d’Europe. Je n’ai pas connu ce moment de gloire, mais j’ai toujours eu le sentiment que c’est de là qu’est né ce concept de « public fidèle et connaisseur » que l’on nous attribue. Au fil des années, peu importe les péripéties, on a toujours gardé cette facette de public pas forcément nombreux, pas forcément bruyant, mais toujours présent. Par exemple cette saison, excepté Ajaccio, on a toujours eu un déplacement d’organisé depuis Laval.
Concernant mon histoire, j’ai toujours été aussi proche que j’ai pu de mon club. Petit, j’allais au stade avec mon père et mon grand-père ; à l’adolescence ça a été les premiers abonnements et les premiers déplacements, le bonheur ; depuis, avec les études et le boulot, je reste fidèle du mieux que je peux. Depuis l’an passé, j’ai trouvé un travail en Ile-et-Villaine, ce qui me permet de redevenir supporter assidu. Et bizarrement depuis l’an passé, tout va mieux pour le club…
BM : En tant qu’ultra lavallois, quel est ton déplacement le plus fou, LE match à l’extérieur qui te reste en mémoire…
Frantix : Pour le déplacement fou et le match qui reste en mémoire, je te fais les deux pour le prix d’un. Sans hésiter, Le Havre – Laval il y a trois ans. 37e journée, on était passé 18e la semaine précédente, Le Mans avait battu Monaco, alors que l’on avait été humilié par le Gazélec à Le-Basser (1-3). Ce soir-là, j’avais pleuré : on était dans la situation déchirante de l’équipe qui fais rêver sur le papier (Rose, Falette, Ewolo, Viale…), et qui vire au clash de vestiaires et aux actes manqués à la chaîne sur le terrain (du type Lens 2008). Au Havre, on est mené d’entrée de jeu… et finalement on l’emporte 2-1. Peu de supporters avaient fait le déplacement. Je m’étais dis que si le club devait mourir comme en 2008, je voulais y être. Finalement il a survécu. Et on a recommencé l’année suivante à jouer aux c*ns jusqu’à la fin.
Après, niveau déplacement « pur », je peux te parler (sans hésiter non plus, honnêtement) du Lens-Laval il y a deux ans… Programmé à 14h le samedi. Avec deux potes (les mêmes qu’au Havre, je les salue ; ils sont souvent en photo sur MaLigue2) on a fait vendredi soir déchaîné, nuit blanche, départ en bus à 4h au rosé et au punch. On était en t-shirt en parkage alors qu’on était plein hiver. Je me rappelle des Corons et avoir insulté mon ex au porte-voix. Pas grand-chose d’autre. Et je pense que tous bons supporters, du PSG jusqu’à Châteauroux, a connu ce genre de déplacement. La journée se passe bien. Le lendemain c’est différent.
BM : Parle-moi de ce trou (ndlr : une « chute sportive » ponctuelle) que vous avez vécu en 2008 ?
Frantix : Un trou, ça se creuse. Au début des années 2000, on s’est cru installé en D2. On ne pouvait plus monter, mais on ne pensait pas à une potentielle descente. Et puis en 2006, relégation. Tomber pour mieux se relever ? Pas trop. Denis Troch est resté, on a raté la montée. La saison suivante, 2006-2007, c’est sans doute la pire : on change tout (arrivée du duo Jan-Hinschberger et remaniement de l’équipe, avec des Rémi Gomis et autre Ben Khalfallah), mais on gâche tout. On rate la montée, et on perd le statut pro… (au passage, on perd aussi Francis Coquelin, vendu à Arsenal pour deux bouchées de pain). Mais comme Laval ne rime pas avec normal, la saison suivante on remonte et on redevient pro ; la résurrection, un truc qui avait marché en Palestine 2000 ans auparavant…
BM : Quand je squatte sur le Wikipedia du Stade Lavallois, c’est avec grand plaisir que je retrouve des noms qui de joueurs qui sortent d’outre-tombe, Leboeuf, Le Pen, Leroy… Peux-tu nous parler des joueurs qui ont marqué ta vie de supp’ tango ?
Frantix : Bon je t’en donne deux inévitables : Mickaël Buzaré et Anthony Gonçalves, qui ont passé leur carrière ici. Un autre incontournable, mais que l’on a vu qu’une saison : Romain Hamouma. Et puis après pêle-mêle, il y en a qui me vienne pour différentes raisons. Johan Chapuis, capitaine plusieurs années en Ligue 2, proche des supporters, aussi bien techniquement que pour boire un coup en 3e mi-temps. Lindsay Rose, dont j’étais amoureux, à qui je souhaite de vite rebondir (et donc de quitter Lyon, parce qu’il a du talent et du potentiel, gâche pas tout mon gars sérieux !). Et puis pour t’en citer d’autres proches des supporters (parce que aujourd’hui, ça manque ; beaucoup, partout je crois) : Ulrich Le Pen oui (vendeur à Decathlon mais qui préfère parler foot que randonnée), Gaëtan Belaud, Arnaud Balijon…

BM : Cet été Sehrou Guirassy a signé au LOSC ? Est-ce un crack comme beaucoup l’annoncent ?
Frantix : Hum (raclement de gorge). Comme c’est mon interview, et qu’il est parti, je vais te donner mon avis personnel. C’est le stéréotype du mec qui n’a pas à réfléchir à la culture football. Il est né talentueux, athlétique, manitou de ballon sans forcer ; rien à redire là-dessus. En jeune, il était incontournable, au-dessus du lot (il porte à lui presque tout seul l’équipe jusqu’en demi-finale de la Gambardella 2014). En pro, on verra. A Laval il ne m’a pas fait b*nder ; ou alors d’énervement (je crois que biologiquement c’est possible). Parce que tu vois, je pense qu’en pro t’as des mecs bien moins talentueux, mais qui se déchirent à chaque instant, pour anticiper, tacler, manger. Guirassy (ce n’est pas que de sa faute ; c’est un processus social, j’avais vu ça en SES), jusque là il n’avait jamais trop à forcer en jeunes, les coachs ne le froissait pas trop. Et même en pro il a mis des buts parce que, oui, je le clame, il a du talent ! MAIS. Faut qu’il ait un déclic, de se faire mal, vraiment. Et pas juste en postant « hard work » sur Instagram. Je suis sans doute (trop) dur, être ballotté comme « pépite » c’est chaud ; encore que j’aimerai savoir ce qu’en pensent les supporters lillois (et pas ce que tu penses des supporters lillois). Je lui souhaite bon courage, de percer, d’exploser, de nous faire gagner la Coupe du Monde 2022.
BM : Tu as bien évidemment noté sur ton calepin de grand connaisseur que Bekamenga avait signé à Lens cet été. Beaucoup chez nous (je ne les citerais pas) se sont chignolés sur sa bonne saison à Laval. Quel est ton avis, pour le coup objectif, sur le joueur ?
Frantix : Je vais faire plus court que sur Guirassy. Mais je suis encore entre la jouissance et l’abstinence. Même si je te place un truc direct : quand on se maintien il y a deux ans et qu’il met dix-huit buts, c’est grandement lui qui nous maintient. Tout va mal, sauf que t’as un goaleador donc tout va mieux. Par contre, désolé pour vous, j’espère me tromper (parce que vous êtes gentils de m’interviewer, et que Beka est un mec a-do-raaaable), mais il ne te refera jamais une telle saison… Quand il a mis ses 18 buts chez nous, fallait le vendre au prix fort. Résultat : deux transferts avortés chez des clubs nord-africains durant l’été, six mois mi-figue mi-rien chez nous, Troyes qui le prend, qui vous le file… Je lui souhaite bonne chance du fond du cœur, comme on le fait à une ex avec qui on ne veut garder que du positif.

BM : Bon, sinon, parle nous de l’effectif actuel ? Quelles sont les forces du Stade Lavallois ?Julien Viale ? Ou alors ce « diable de Rachid Alioui » (ndlr : voice of Eurosport 2) ?
Pour paraphraser Denis Zanko : « la base défensive de sept joueurs à laquelle on a greffé des individualités offensives ». Le coach a raison quand il dit que nous sommes une équipe où l’on gère des joueurs et des hommes, pas un empilement lambda d’individualité. Même si comme tout le monde il sait que la technique de Malonga, la vitesse de Habran, le sens du but d’Alioui, les tacles de Monfray, la vista d’Alla, le chauffage de banc de Viale et les clins d’oeils de Gonçalves ça aide. Sans oublier Fouad Chafik : il est latéral droit, mais au-dessus de tout le monde dans tous les domaines.
BM : Laval commence la saison pas trop mal ; 8ème, et reste sur une victoire contre Créteil. Quelles sont tes attentes pour cette saison ?
Frantix : On avait fini août par cinq victoires entre la coupe et le championnat, on était 4e, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Après la trêve début septembre, on a fais trois défaites et un nul avant de battre Créteil. Autant dire qu’on a peut-être déjà vu la meilleure et la pire période de cette saison.
On sait être solide, tout le monde le dit depuis la saison passée. Devant, l’année dernière on finit 8e avec un meilleur buteur à 6 buts. Cette année on a Alioui, Habran, Zéoula et autre Malonga ; et comme je le lisais sur MaLigue2 (c’est pas moi qui le dit), en contre on est redoutable. Etre solide et contrer efficacement, c’est salopard mais c’est un art. En août on le faisait très bien. On était dans le sillage de ceux qui rêvent de la montée. Il n’y a pas le droit de parler « montée » à Laval. Mais je te laisse ce paradoxe : Denis Zanko dit que l’on « mérite » d’être là, et il dit aussi que l’on a « une marge de progression à exploiter ». C’est vrai, amplement d’accord avec lui.
Sauf que si tu exploites ta marge de progression, que tu es efficace devant et derrière (dans ce style « en contre »), dans une Ligue 2 dont on connaît la démence… Bah tu es un prétendant à t’incruster là où tu n’as pas le droit d’aller (big up au Gazélec et à mes « amis » angevins). On ne joue pas la montée. Mais on devrait jouer la possibilité d’être un trouble-fête sans pression.
BM : Denis Zanko – Lilian Nalis, ça donne quoi aux manettes ?
Frantix : Avec Hinschberger (que j’aimais pour sa philosophie de jeu autant que son franc-parler) tu joues les cinq dernières places. Il y a deux ans Zanko arrive en cours de saison, on est 19e avec sept points de retard sur le 17e fin février : il nous maintient. L’an passé, il nous place huitième. Cette année, continuité. Il a ses principes de jeu, ses choix, son style face aux médias ; mais que veux-tu (re)dire ? Le mec il réussit ! Humainement il est super sympa. Comme coach c’est un mec à qui tu flanque les étiquettes de rigueur et compagnie. Mais entre souffrir avec une femme dévergondée ou être heureux avec une femme rigoureuse, mon choix est fait. Lilian Nalis il est pareil : son accent sent bon la chaleur du sud avec les supporters, mais sur un banc on dirait moi qui joue à Fifa en ligne.
BM : Tu voues un culte à Goncalves – peux-tu développer s’il te plait ? (« Vous avez trois heures »)
Frantix : J’aime bien répondre en deux temps, alors je conclus comme ça. Première partie : Gonz est au club depuis dix ans, c’est le joueur infatigable qui va au tampon, que tes supporters adorent et que ceux des autres équipes détestent. Il a failli ne pas être conservé en jeune, il est resté, s’est imposé, a été promu capitaine, marque des buts importants ; il est proche des supporters, tout çaaaa. Tout le monde l’adule à Laval. Deuxième partie, la mienne, plus technique. Derrière ce côté chien de la casse enragé, il y a un mec qui au fil des années a vraiment progressé. Il a été jeté en pro en National parce qu’on manquait de mecs. Mais Gonz il a du ballon, de la vista ! L’année où tout allait mal, où on se sauve au Havre, il est passé du 6 boucher au meneur de jeu décisif sur le dernier ou l’avant-dernier geste. Il a peiné à confirmer l’année suivante (oui, il m’a déçu, un peu), l’an passé on a retrouvé cette illumination sur le jeu par moment (il m’a vite reconquis). Cet été il y a eu la rumeur Nancy, mieux vaut ne pas en parler ; je sais tout, je ne dirais rien. Cette saison, Gonz était très bon en août, plus en difficulté en septembre. L’équipe a suivi le même état de forme. Vous croyez vraiment que c’est une coïncidence ?

BM : Un grand merci à Frantix pour ses sublimes réponses. Un délice d’interview.
Ecrit par Louis de Finesse (@Louis2Finesse)
Dernières confrontations RC Lens – Stade Lavallois
Source : lfp.fr

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