Deuxième partie de notre « dossier » consacré aux supporters lensois qui se sont déplacés à Paris vendredi dernier, bravant l’arrêté préfectoral mis en place depuis de nombreuses semaines. Après les interviews de Pierre et Monique, « parias de Charléty », Bollaert Mécanique vous propose un nouveau double témoignage ; tout d’abord celui de Jean-Charles « le mal-nommé » Delille, secrétaire générale de l’association @LensCapitale, et de Frédéric Laniak, supporter lensois vivant dans l’Oise.
Jean-Charles Delille, secrétaire de Lens Capitale (@LensCapitale)
BM : Salut Jean-Charles, merci à toi d’avoir répondu à notre appel. Tu es donc secrétaire de l’association Lens Capitale. Peux-tu déjà la présenter à nos lecteurs ?
JC : Salut Louis, et merci de nous avoir contacté. L’association Lens Capitale est une très jeune asso ; elle réunit des supporters lensois qui habitent la région parisienne. Elle a maintenant plus d’un an d’existence, et se structure de plus en plus. Tu la connais bien, puisqu’on te voit régulièrement au bistro avec nous (rires).
BM : Oui, et je constate semaine après semaine que l’asso se développe bien !
JC : On est pour l’instant plus d’une vingtaine de membres et notre nombre grandit à chaque événement, c’est vrai. À chaque match à Bollaert, on propose des covoiturages et on essaie de faire des déplacements quand les horaires le permettent. Mais tu le sais bien aussi bien que nous, avec les horaires de Ligue 2, c’est compliqué de voyager à plus de 200 kilomètres de Paris. Quand les déplacements ne sont pas possibles, on se retrouve tous dans un bar autour de Châtelet pour voir les matchs ensemble. Sinon on se réunit tous dans un bar dans Paris pour voir les matchs.
D’ailleurs c’est pour ça que la grande majorité de l’association s’est rendue au Stade Charlety. Pour nous c’est à domicile. Par contre rien d’officiel n’était organisé de notre côté. C’était une volonté personnelle de chacun. Mais les trois-quarts des membres étaient présents.
BM : Et du coup, comment est-ce que vous êtes rentrés ?
JC : Si tu voulais rentrer, il te fallait juste ne pas montrer tes couleurs Sang et Or. Sinon on était tous sans couleurs. On est rentrés par petit groupes pour s’assurer de pas être remarqué et certains ont même dû balancer qu’ils supportaient le Paris FC. L’esbroufe était en fait assez simple ; sSauf si tu avais le malheur d’avoir une gueule « connue » de Vanoise et des RG lensois. Car ouais, eux aussi avaient fait le déplacement…
Le dispositif de sécurité était vraiment impressionnant, bien plus important que pour le derby Paris FC – Red Star auquel on avait assisté avec les potes de Lens Capitale, et qui était pourtant considéré à risques.
BM : Le match, à l’intérieur de Charléty, il s’est passé comment ?
JC : Franchement, on était tous en civil. Le mot d’ordre, c’était de cacher les écharpes, et tout le monde l’a plus ou moins respecté. Jusqu’au but, où la moitié de la tribune s’est levée. Le plus impressionnant, c’était à la mi-temps ; on s’est motivés à chanter Les Corons… et là surprise, une grande partie de la tribune reprend d’un seul homme…
A la fin du match, ça chantait à bloc ! Des drapeaux furent sortis. Et là, en fait, tu te rends compte que ce n’est pas la moitié du stade, mais les trois-quarts qui étaient Sang et Or… Avec les potes, on lance une « lensoise », que tout le monde reprend. C’était ouf !
En sortant du stade, on a pris la décision de ne pas traîner, mais on est quand même allé boire un verre dans un bar un peu plus loin. Et là, sur qui on tombe ? Bah tous les Tigers. On a parlé avec quelques uns d’entre-eux, et ils nous ont alors raconté l’histoire des mecs embarqués etc… Des mecs des Galiboys ont aussi été interpelés apparemment. En tout, ils étaient entre soixante et soixante-dix.
BM : Tu retiens quoi de cette soirée, au final ?
JC : Franchement ? C’était tellement bon de prouver que leur arrêté est totalement risible !
Frédéric Laniak, supporter lensois
BM : Salut Fred, merci d’avoir répondu à nos questions. Pourrais-tu nous raconter ta soirée de vendredi dernier à Charléty. Comment as-tu réussi à rentrer dans l’enceinte ?
Fred : Oui, tout à fait. En fait, ce qui m’a surpris en arrivant au stade c’était le nombre important de CRS déployés pour ce match par rapport à l’affluence attendue. Bon après je peux aussi imaginer que ça s’explique plus par les attentats du 13 novembre que par l’interdiction faite aux supporters extérieurs de faire le déplacement. Avant d’entrer dans le stade, on a eu le droit à deux fouilles : une première par les CRS, une seconde par les stadiers. Dans les deux cas, ils nous demandaient d’ouvrir grand les manteaux, pour être sûr qu’il n’y ait pas un maillot de Lens (ainsi que des écharpes) en dessous… Moi (et un pote qui était avec moi) je n’avais rien pris par précaution. Une fois dans le stade on a rejoint la bande de Lens Capitale qui était venue incognito également.
BM : Du coup, vous vous êtes retrouvés en groupe, incognito, sans forcément savoir qu’une centaine de supporters lensois avaient eu la même idée que vous ?
Fred : C’est ça. Au coup d’envoi on ne s’est pas forcément rendus compte qu’il y avait plein de lensois, vu que la quasi-totalité d’entre eux avait fait comme nous. En revanche on entendait bien dans les discussions autour de nous qu’on n’était pas les seules « biloutes ». Quelques minutes avant le but lensois, un supporter de Lens s’est levé dans la tribune et a montré son écharpe. Je ne sais pas comment il a fait pour rentrer avec mais il y est arrivé. Quelques secondes plus tard, un stadier est allé le voir et plusieurs autres sont arrivés dans la tribune. J’étais rop loin pour entendre ce qu’ils se disaient, mais je n’ai pas eu l’impression qu’il lui ait demandé de quitter le stade, juste de ranger l’écharpe…
BM : Et du coup, quelle fut la réaction des lensois sur le but de Cyprien ?
Fred : J’allais y venir… C’est suite au but de Cyprien que l’on s’est vraiment rendu compte du nombre de supporters lensois dans la tribune (je précise qu’on était dans la tribune basse, et que seules les tribunes basses et intermédiaires de la tribune Ouest étaient ouvertes, tout le reste du stade étant vide).
BM : Et cette tribune basse, que les parisiens pensaient avoir investie en masse, était en fait peuplée de Sang et Or.
Fred : Oui, je suis persuadé que 60 à 70% de la tribune basse s’est levée de joie sur le but. Et à partir de ce moment-là, les stadiers se sont rendu compte de leur impuissance. En dépit de cela, nous, on est restés calmes jusqu’à la mi-temps. Au retour des vestiaires, il y a eu les Corons, lancé non pas par les Parisiens mais bien par nous (ndlr : contrairement à ce qu’avançait le commentateur/animateur de Bein Sport). Les Corons ont ensuite été repris par une bonne partie de la tribune et fortement applaudi à la fin. J’en profite pour préciser que pendant tout le match il y a eu une très bonne entente entre lensois (certes incognito) et les parisiens. J’en profite également pour dire que le kop du Paris FC était certes peu nombreux mais a eu le grand mérite de chanter pendant tout le match !
BM : Si j’ai bien compris les nombreux témoignages que j’ai reçus, l’ambiance Sang et Or s’est réveillée au fil de la deuxième mi-temps.
Fred : Exactement. Plus la deuxième mi-temps passait, plus ça nous démangeait de chanter. C’est venu petit à petit, d’abord repris par quelques personnes puis par la majorité de la tribune.
A la fin du match, quand l’arbitre a sifflé, on a tous repris, et pour le coup vraiment tous, un « on est là, on est là« . Les joueurs qui, au départ, repartaient directement vers les vestiaires, sont tous venus nous saluer. Il n’y a pas eu de clapping, mais certains ont donné leur maillot, d’autres venaient taper dans les mains. C’est à ce moment là que j’ai vu un supporter lensois sortir un drapeau. Là encore je ne sais pas comment il a fait pour le faire entrer…
Encore une fois, un grand merci à Jean-Charles et Frédéric, ainsi qu’à Pierre et Monique, pour leurs témoignages.
Écrit et retranscrit par Louis de Finesse (@Louis2Finesse)
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