On s’est retrouvés autour d’une table basse, enfoncés dans des vieux canapés mous qui puaient la défaite. C’était il y a un mois à peu près. On était à quelques jours d’une rencontre choc nous opposant à Chatourou. En fait, LaPoch nous avait invité dans son ranch, qui se situe à une bonne heure de route de la métropole lyonnaise, où elle a élu résidence il y a quelques mois avec son mec que l’on appelle affectueusement l’Ennemi. Un vrai bled français. Weekend décentralisation. En arrivant dans le village, des lamas, des vaches et autres moutons, et une église transformée en mosquée, dans laquelle Rachid revend ses sodas fait-maison et de la laine de poney, qu’il fait importer de Tasmanie.
On était donc autour de cette table, à descendre des bouteilles de Rochefort 10 laissées généreusement à disposition par @Griibouille, et à fumer des substances qualifiées d’illicites qu’un dealer d’origine bhoutanaise m’avait bicrave dans le OuiGo reliant la gare de Marne-la-Vallée à Lyon-Perrache. On était bien saouls, on était bien fonfon. Et chacun d’entre-nous racontait ses histoires, parfois drôles, souvent bizarres. C’est à un moment précis de la soirée que LaPoch racontât son dernier rêve.
« Quand même ça fait deux fois que je rêve que les Aliens (ndlr : elle voulait sûrement dire Amiens) débarquent sur terre en mode Indépendance Day et que je suis la seule à trouver ça ouf et tout le monde est là « ouais super bon c’est pas tout ça mais j’ai du boulot » alors que le vaisseau mère est au dessus de nous ». Même que le vaisseau spatial avait une inscription au néon rose fluo qui indiquait 96ème MINUTE. Foutue métaphore freudienne à propos de cet âpre combat qu’est l’indépendance à la Ligue 2.
Et moi qui enchaîne : « j’ai rêvé cette semaine que j’étais sur la lune, sous une tente (wtf) avec des gens qui à la fin du rêve s’avéraient être des mannequins en plastique. Je leur parlais pour me rassurer car en fait j’attendais une navette spatiale qui devait me ramener sur terre, mais cette navette n’avait pas confirmé son passage, et en plus elle n’offrait aucune garantie d’alunissage. C’était angoissant de ouf. » Allusion non-moins freudienne aux cauchemardesques barrages pour l’accession à la Ligue 1.
Lens vient d’enchaîner quatre victoires consécutives, mais les esprits de BM sont toujours hantés par les mêmes fantômes. Parlons du match d’Orléans, quatrième volet d’une thérapie qui nous permet d’un petit peu mieux dormir.
Tout était planifié pour que ça coince. Pour que ça merde. Trois victoires de rang, une troisième place, des concurrents qui coincent, une trêve internationale imminente, un match à l’extérieur, Jérémy Vachoux. Et le fameux Facteur X, qui nous a fait perdre les pédales si souvent, à savoir mon retour aux affaires en tribunes. Car oui, par trois fois ces dernières semaines, j’avais décidé à la dernière minute de ne pas me déplacer pour assister à un match du Racing, faute d’un agenda trop rempli. J’en ai honte, et j’ai vraiment cru que ma présence lundi soir activerait la prophétique poisse de chat noir aux joueurs de Montanier. Merci à eux.
Je rejoignais donc trois types, qui m’étaient totalement inconnus, pour partager avec eux un covoiturage en 306 modèle de collection. @FritesMulet est l’un d’entre-eux. Ambiance Heineken, chambrette, ça parle du Racing, et du bourbier de La Source, que je suis le seul à connaître. Me tarde de retrouver ce fabuleux parcage, cette tribune pré-fabriquée qui chancelle comme Jacques. Mais surtout de retrouver le blondinet, qui faisait tant rêver les chaumières du bassin minier. La fin de saison dernière avait déjà suffisamment donné raison à ceux qui pensaient que Vachoux n’était qu’une pipe, voire au mieux un gardien de CFA. Le match de lundi ne fut qu’une redite (car oui, sa boulette d’avant la mi-temps ne peut pas être étrangère à la fragile deuxième mi-temps de l’USO). D’ailleurs, images exclusives d’un arrêt de Jérémy :
Côté lensois, quarante-cinq minute d’intensité fois dix matchs, c’est à peu près ce qui nous a suffi pour être seconds de Domino’s à la mi-octobre. C’est à la fois positif, et on va être honnêtes, extrêmement flippant. On ne sait toujours pas être concentrés 90 minutes, entre le réveil tardif et la crise de narcolepsie, il y a toujours une mi-temps qui s’évapore telle la « part des anges » que l’on offrirait au bon Dieu du football. Il doit être sacrément vénéré pour qu’on lui sacrifie 50% de notre kiffe hebdomadaire. Et nous, adepte de la sobriété. Oxymore.
Le match démarre, et très vite, on sent la soirée calvaire arriver. Peu de transition, un pressing ressemblant peu ou prou à celui de ma grand-mère quand il s’agit de manger une quatrième part de poulet fermier pascal. C’est somme toute assez logiquement que l’ouverture du score intervient à la demi-heure de jeu, sur un coup-franc stupidement provoqué par Radovanovic. Ça sentait le lisier, et la prophétie que je craignais une fois le péage de Saint-Arnoult passé semblait se matérialiser. Un lundi soir que j’aurais mieux fait de passer dans mon lit. Les onze lensois ne semblaient pas en mesure d’inverser cette tendance mortifère au cours de la première période, le 12ème homme étant en petite forme dans le parcage. C’est donc le 13ème membre de l’équipage qui tiendra son rang.

Un centre dévié, qui semblait ne présenter aucun danger, vit sa trajectoire déviée par un énième engagement de tous les instants de Florian « Maître Nageur » Sotoca. D’un tacle désespéré, ce dernier parvint à devancer son vis-à-vis, et à prendre en défaut un Vachoux, toujours aussi habile pour maîtriser la capricieuse savonnette. Le ballon, contré, et dont la trajectoire en cloche n’aurait jamais du représenter le moindre danger, mis à défaut l’ancien goalskipper du Racing, et glissa des mains de ce dernier pour finir derrière la ligne. Du parcage, la surprise fut suivi d’un long moment d’incompréhension, et disons-le, c’est bel et bien l’absence de la VAR, qui aurait certainement déjugée la décision de l’arbitre de sanctionner une faute inexistante de Sotoca, qui permit à Jérémy Vachoux de regagner les vestiaires la tête un peu plus haute, mais le moral encore un peu plus détruit par cette incapacité à passer une soirée sans boulette. Running gag.
La seconde mi-temps sera un calvaire pour Vachoux. La posture qu’il prit à son arrivée devant le parcage trahissait un manque terrible de confiance. Une peur de retrouver un public qu’il a tant acclamé, mais également trahi. Et la suite fut terrible, d’une dramaturgie qui me fait presque regretter les envolées chambreuses que je beuglais seul alors que le score n’était alors que de 1-0 pour les locaux. Est-ce qu’il méritait cela ? Me vint alors à l’esprit le débat que j’avais engagé sur Twitter avec @FritesMulet. Bien évidemment que c’est dur pour Vachoux, mec bien, gendre idéal qui faisait fantasmer 98% des demoiselles de Bollaert. Mais dans le football, l’arme de déstabilisation fait partie du jeu. Et au final, c’était un château de carte que l’on avait face à nous. Et chaque souffle de nos puantes haleines pouvait suffire à le faire tomber. Et à la fin, on parle bel et bien de trois points. Krokseldifivik.
Bien qu’il ne soit pas directement fautif sur les deuxième, troisième et quatrième buts lensois, sa énième sortie approximative dans les pieds de Mauricio, au terme d’une action labellisée « on veut la Ligue 1 », permit à Sotoca d’ouvrir le compteur but lensois, et de lancer une machine que les petites abeilles du Loiret prendront en pleine face. Une seconde mi-temps glyphosate qui aura désherbé une défense orléanaise, et éteint une tribune Marc Vagner plutôt bien garnie, et inspirée, comme l’atteste ce joli tifo nous rendant hommage :
En dépit de ces mi-temps inégales, le RC Lens l’a emporté à Orléans, pour un quatrième succès de rang, meilleure série en cours dans le football professionnel français. Car oui, on a été foutus de remporter un match important à un moment plutôt bien senti, et de s’assurer de passer une dizaine de jours dans la peau du dauphin des Merlus.
Divisés comme jamais il y a six semaines, on a l’impression aujourd’hui de vivre un spin-off de Coexist, tout le monde s’aime et cette dynamique positive ramène définitivement du calme dans les rangs lensois. De la sérénité même, et cette spirale positive permettrait presque à un chrétien, un juif, un musulman, un KSO et un RT de cohabiter dans une seule et même tribune sans qu’il n’y ait d’embrouilles.
On a vite oublié les prélèvements libératoires que représentaient les ventes de Chouiar et Gomis. Aujourd’hui, le compte en banque du Racing est rempli, et le compteur points n’est pas en reste. Les amis, le Racing Club de Lens est actuellement SEUL SECOND de Ligue 2, et regarde avec appétit la queue du Merlu qui s’agite devant lui.
Cet article c’est pour Frère Direktor, à qui on pense fort !
Écrit par @LouiS2Finesse
Votre commentaire