Ça gonfle. En chacun d’entre-nous. La peau se tend, s’écarquille. Les yeux sortent de leurs orifices, et les oreilles tournent au rougeâtre. En fait, c’est tout l’organisme qui en prend un coup. Les doigts deviennent bouffis, autant à cause de l’humidité de l’air qu’à la suite des longues séquences d’applaudissements qui rythment les matchs de notre Racing. A continuer de se gaver de précieuses victoires, nos corps s’engraissent, et prennent irrémédiablement du volume. Plus que nos propres enveloppes de peau pourraient naturellement supporter. Si cela continue, ces dernières finiront par se fissurer et s’ouvrir. Sortiront alors de nos corps ces viscères malades, et de nos pores l’axonge propre aux corps bien trop portant. Des bassines de graisse seront remplies à ras-bord, et acheminées par cagettes à la production de ce précieux suif, qui nous permettra d’éclairer nos lanternes durant les prochaines semaines d’hivernage footballistique. Vivement la reprise.
Ce dernier weekend pré-Noël fut une nouvelle fois d’un incommensurable délice. Un plaisir exogène d’abord, quand le « taré du bled d’en face » nous a servi un apéro « heures joyeuses » le vendredi soir en sortant du bureau. Une bonne douzaine de picons qui terminèrent ma soirée, comme fit le chevaleresque Teddy avec le Merlus. Il parait d’ailleurs que le morbihannais se mangera fumé cette saison sur les tables du Hainaut. Promo spéciale à Auchan.
Un samedi comme on les aime donc. Je parcours la check-list : une belle gueule de bois dans la musette. Température clémente, météo légèrement ensoleillée, pluie parfois fine, et coca-cola pour soigner mon foie. Et en face, un troupeau de chamois. A l’époque, les chèvres lensoises auraient pu se faire piéger par une espèce jadis cousine. Mais le Darwinisme existe aussi dans le football. Forts de ses bergers venus tout droit de l’île de Beauté, fins connaisseurs du tracé de cette sinueuse Ligue 2 qui s’apparente saison après saison un peu plus au GR20 du maquis, le Racing sait aujourd’hui se sortir avec brio des bourbiers les plus mouvants de cette France du football « périphérisée ». Hashtag arrogance. Et puis, quoi de mieux qu’une bande de bergers corses pour fourrer un chamois de Noël ? Ou le zootaxer, au choix.
La match hume bon. Le cortège fume bien. Je suis déchiré de la veille. En chemin pour le stade, on palpe rapidement cette ambiance que l’on sent déjà chaude. Le tifo déployé en Marek est sublime, remémorant l’héritage de nos aïeux du fond de la mine. Les fumi sont craqués, la fête commence. J’ai mal à la gueule. Au dessus de la Marek, l’atmosphère devient nubilleuse. Derrière moi, quelques pisses-froids qui continuent à jacter sur le niveau jugé trop faible de Zack Diallo. On est bien en place, au bon endroit. C’est Noël en Artois, et on n’attend plus que l’éclaircie pour dignement célébrer la fin de la phase aller. Il fallait gagner un match important, et encore une fois, les joueurs l’ont fait.
Le match démarre donc, et dès la cinquième minute, la tournure aurait pu être tout autre. Si le rouge de Banza en fin d’acte est totalement mérité, la faute de Doucouré en position de (quasi) dernier défenseur aurait pu accoucher d’une caustique sanction. La mochisation des Fêtes était proche. Dans le premier quart-d’heure, on sentait des Niortais vraiment tranchants, souvent en rupture et prenant de vitesse l’arrière-garde à quelques reprises. Chaleur. Moiteur. Senteur sapin.
Cette saison, Lens est toujours ce bon gros diesel abalourdi. Ce SUV tout terrain, style Lada Niva en version améliorée. qui peine à démarrer mais qui semble increvable une fois lancé. Toutes les entames de matchs sont délicates, mais samedi après-midi, la barre a été malignement redressée avant l’ouverture du score adverse, et même avant la pause chocolat chaud de la mi-temps. En fait, à partir de la demi-heure de jeu, le bloc s’est resserré, et a définitivement pris le pli de jouer plus haut. Pour ne pas être pris de vitesse, il faut confisquer la balle, et tuer dans l’œuf toute tentative de rébellion adverse. On n’a pas de 49.3 à Lens, mais on a de l’agressivité, et de la cohésion. Des fricadelles aussi.
Et si Houellebecq avance que Niort est la ville la plus moche de France, BM peut aisément écrire la corollaire sur le niveau de son équipe de foot. Sur coups-de-pieds arrêtés, l’intégralité des joueurs de champ lensois prirent l’habitude de se retrouver dans la moitié de terrain niortaise, pour une garden party expresse. Exposition maximale afin de forcer la décision. Mais si Pep Montanier a eu le mérite de critiquer le manque de réalisme sur attaque placée, il n’a pu que s’enorgueillir de la force de pénétration de son 3/4/3 sur transition rapide.
Retour des vestiaires. C’est bien sur un contre foudroyant que le Racing fit la décision en ouvrant le score. Une action qui pue LITTÉRALEMENT le football. Un jeu léché, attention moment enflammade, rappelant les heures fastes du GRCL (lire Grand Racing Club de Lens) versions Daniel Leclercq et Francis Gillot. Une récupération basse de Doucouré, pour transmission immédiate à la rampe de lancement Guillaume Gillet. La balle fut envoyée au petit portugais Mauricio, qui approfondit le projet d’une superbe ouverture pour Florian « ton maître nageur préféré » Sotoca. Quelle sublime conclusion que fut ce subtil décalage pour l’homme du coin, le rouquin de Saint-Pol. Profondeur maximale, Merry Xmas!
Lens ne desserra pas l’étreinte, et ce n’est que l’expulsion de Banza qui permit aux chamois de ressortir la tête du foin. Vraiment, ça aurait fait tâche de prendre un pion dès lors que tu joues à 10. Il fallait tenir, et ils l’ont fait, avec quelques frayeurs tout de même. La fin fut brouillonne, mais l’essentiel était acté. Sortez vos chamoisines, nettoyez vos lunettes et posez les sur votre tarin : Lens finira bien l’année 2019 en tête de la Dominos, avec un constat désormais clair : à compter de la 20ème journée de Ligue 2, tout le monde risque de désigner le RC Lens comme le favori du championnat. Vous savez, le fameux hashtag analyse de l’instant. Et il faudra l’assumer, jusqu’au bout. Qu’on puisse enfin mettre à jour la punchline qui a élue domicile depuis bien trop longtemps sur le Mug BM.
Nonobstant l’introduction peu ragoutante, je vous souhaite un Joyeux Noël à tous. Gavez-vous bien !
Ecrit par L2F
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