Vendredi 11 septembre 2020, 8h15. Merde. Mon café est trop fort. Les larmes des rageux de tous bords viendront l’adoucir un peu.
C’était l’équipe B. L’équipe C même. C’était peut-être l’équipe D, E ou F. D’ailleurs, est-ce que c’était seulement une équipe ?
Rien à branler. Hier, le RC Lens a gagné contre le PSG et aujourd’hui, la journée est particulièrement belle.
Bon, il y a quelques douze heures de cela, on faisait un peu moins les malins. On nous annonce un PSG moins costaud que d’habitude, mais sur le papier on est quand même loin d’une équipe de réservistes de Quevillly.
Et puis, pour un retour de Bollaert en Ligue 1, les éléments sont contre nous. Jauge à 5000 spectateurs, un adversaire vice-champion d’Europe, un match le jeudi, trois semaines depuis le seul match officiel en six mois. A l’entrée des joueurs sur le billard qu’est notre pelouse, les visages sont tendus, les fesses sont serrées.
Le match commence et, sur les premières minutes, le RC Lens ne se laisse pas impressionner. Les tentatives d’incursion en terres parisiennes ne donnent rien, mais elles sont comme Thilo « Who you gonna call » Kehrer : elles ont le mérite d’exister.
Puis, rapidement et comme on pouvait s’y attendre, le PSG garde la mainmise sur le ballon. On avait pas vu telle possession depuis l’Exorciste. Heureusement, Kurzawa est Kurzawa, et les quelques frappes parisiennes montent plus haut que les chiffres du COVID.
15e minute. Ignatius « Tipp-Ex » Ganago efface la défense parisienne et trouve le poteau à la manière d’une princesse anglaise.
De battre mon cœur s’est arrêté.
Sur le banc de touche, Jesé se demande ce qu’il fout là et s’improvise Super Nanny au milieu des enfants parisiens.
Le reste de la première mi-temps alternera possession stérile parisienne et ballons captés par Leca, teigneux impérial comme la Corse en produit parfois. Pas de frivolité excessive dans ces 45 premières minutes, ça besogne plus studieusement qu’un puceau pour sa première fois.

L’avant-dernier Corse à avoir marché sur Paris
L’histoire ne dira pas ce qu’il s’est passé dans les vestiaires à la mi-temps, mais les Lensois ont du se faire souffler dans les guenilles par un Franck Haise qui a su voir l’indicible : y’a cher moy. Un pressing un peu plus haut, un harcèlement systématique, quitte à laisser son poumon sur la pelouse. Ça fera toujours du Round-up en moins à acheter.
Ce sont donc des Sang et Or regonflés comme des cornemuses qui reviennent en ce début de seconde période. Et que je t’obtiens des corners, et que je te force les Parisiens à taper des 25 mètres, et que je te tacle les poussins que t’as osé mettre sur le terrain.
Et puis.
Et puis arrive la 57e minute.
Comme un clin d’œil à l’histoire, c’est un Polonais qui se sacrifiera pour aider à la reconstruction du Pas-de-Calais. Marcin « J’ai glissé Chef » Bulka offre une balle de but à un Ganago affûté comme une lame de scramasaxe.
1-0. Le RC Lens mène face au Paris Saint Germain. Fermez les yeux. Laissez cette phrase infuser dans votre esprit. Revoyez-vous quelques temps en arrière. Repensez aux matches du lundi soir contre Niort ou Valenciennes. Ouvrez les yeux. Vous ne rêvez pas, le tableau de score concrétise les espoirs les plus fous. On savoure d’autant plus qu’il reste trente minutes et que mener n’est pas gagner.
La dernière demi-heure de jeu est un peu floue dans mon esprit, ponctuée de mini-AVC et de coups d’œil frénétiques vers le chrono. Je vous jure que je l’ai vu reculer. Les minutes s’égrènent, chacune plus longue que la précédente.
Michelin et Juan « Chihuahua » Bernat s’essayent à la mitoyenneté, parfois jusqu’à la colocation. Diallo et Dagba sont sur un bateau. Sotoca entre, Banza sort. Lui aussi aurait pu en marquer un. Corentin Jean, entré pour remplacer le héros Ganagoal, court partout sur le terrain. Il est huit à lui tout seul. Ou alors c’est juste mon cerveau saturé d’endorphine qui le voit plusieurs fois. Je ne sais plus. Un géant blond entre sur le terrain. Il est effrayant, il est minuscule. Sur le terrain, Jesé se demande ce qu’il fout là et s’improvise footballeur. Faute lensoise, coup franc parisien. C’est capté, ça ne passe pas. Tête de Sotoca. C’est à coté, ça ne passe pas. Bernat sort, Michelin sourit. Kurzawa tente un retourné, tout le monde se marre. Ce n’est que la deuxième journée. C’est une finale. Ce n’est que le PSG démantelé comme une vulgaire usine en plein plan social. C’est le vice-champion d’Europe. Ce n’est que du foot. C’est vital.
Coup de sifflet final. Euphorie. Que les blasés nous moquent, que les aigris nous minimisent.

Aujourd’hui plus encore que d’habitude, il est difficile de noter individuellement chaque joueur pour sa prestation hier. Si le match nous a rappelé une notion fondamentale du football, c’est bien celle-ci : il s’agit d’un sport collectif.
Les fautes techniques, parfois flagrantes, sont compensées par une entraide massive et une intensité de jeu que l’on avait déjà pu remarquer contre Nice. Ça ne passera pas à tous les coups, à moins d’ensorceler tous les gardiens adverses, mais la densité de l’équipe peut largement nous permettre d’espérer un maintien avant la dernière journée.
Il ne nous reste qu’à savourer le moment, comme savent le faire tous ceux qui ont connu des temps difficiles, et tous ceux qui savent que d’autres sont à venir.
En attendant, mon café a un peu refroidi mais il a la douceur des matins victorieux. Je ne lui en demande pas plus.
Écrit en planant par @LaPoch
BRAVO pour cet article !!! J’ai adoré votre style, c’est mega drole tout en etant respectueux !!! Bref, j’ai passé un super moment de detente en le lisant !!! Continuez comme ça 👍 Allez Lens ❤💛❤💛
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Merci l’ami !
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