J-5 : L’âme de Croco

PUTAIN FAIT CHIER ! Oui, c’est ce qu’on a tous crié dimanche vers l’heure du goûter. Fait chier on n’a que dix points. Cogne très fort sur le matelas de mon futon. Fait chier on est repassé derrière les chiens. Fallait pas chercher le karma à la mi-temps. Fait chier on prend encore un pion en fin de rencontre. Et on perd deux points. Fait chier, on est sixième de Ligue 1 après cinq journées. On en oublie presque que tout va bien. Fait chier ce début de saison nous déboussole, on perd nos repères et on en arrive à formuler les pires conneries. On se croirait parfois entourés de potes de Pascal Praud, tellement certaines réactions sont dénuées de sens. Vous nous excuserez, c’est pas comme si on s’était formés à faire des debriefs sur sept défaites consécutives en Ligue 2.

C’est dimanche matin que j’ouvris mon bouquin sur les proverbes africains. Il trône dans ma bibliothèque depuis des lustres. Je sirotais mon infusion gingembre tilleul, quand de manière totalement hasardeuse, je tombai sur la page qui héberge le fameux proverbe zambien qui dit : « Attends d’avoir traversé la rivière pour dire que le crocodile a une sale gueule ». Car oui c’est bien un rituel de connard que de vouloir apprendre des axiomes exotiques, histoire de pouvoir bien étaler sa science de merde à chaque fois que l’occasion se présente. Flûtiste ascendant harpiste, that’s my fucking name.

Le coup d’envoi est donné, et immédiatement on sent que s’il y en a bien un qui a du mordant dimanche après-midi, c’est Jo’ « Frazier » Gradit. Seulement quarante-cinq secondes de jeu, et je me suis vu faire ragequit lorsque le mec de Talence balança un tampon à Fomba, action digne des plus grandes rencontres de l’ovalie. Quelques secondes de frayeur effectivement, car cela aurait pu mériter une sanction un peu plus sévère (chuchote : « rouge »). Jo Gradit reconnaissait lui-même dans « Culture Sang et Or » qu’il aurait pu retourner aux vestiaires avant d’avoir sué. A la mi-temps, il demandera à Haise de le remplacer par Fortes, tel un collaborateur proactif d’une startup dans laquelle le « flat management » est règle.

Passée cette frayeur, le RC Lens se décide à prendre les choses en mains. Toutes les semaines, on recommence ce si joli matraquage de nos adversaires. On se croira sur place de la Contrescarpe un 1er mai. Mais avec les accréditations qui vont bien. On attrape le croco par le colback de sa veste en cuir, et on lui met rapidement un coup de pression à le rendre aussi docile que son cousin des paquets Haribo. On leur marche littéralement dessus. Si on reprenait l’allégorie fluviale citée en introduction, il semble alors que le véhicule amphibie du RC Lens fût bien trop calibré pour nos adversaires du jour.

C’est la sixième minute, le vent souffle, et le RC Lens hérite d’un coup franc divinement bien placé. Gaël Crackuta se saisit du ballon, le place avec délicatesse, et exécute une merveille de frappe… qui vient s’écraser sur la barre transversale d’un Reynet qui aurait pu faire le poirier en cajolant sa chatte dans ses petits bras tatoués que son utilité aurait été inchangée. Kakuta est encore en jambes, et je t’aime.

A chaque fois que Jonathan « Mad Max Fury Road » Gradit touche la bille, de timides sifflets descendent des tribunes des Costières dans une ambiance qui ressemble à peu près à ce que j’ai pu connaître quand je jouais des matchs chauds en U15. A lui tout seul, le vent parvient à faire plus de bruit que les gladiateurs nîmois, résolus à mettre une très grosse pression sur les Sang et Or. Seule une caisse de pinard local semble pouvoir être en mesure de renverser la tendance. Manque de pot, notre patron n’a plus le nez rouge.

Bref. Revenons-en au jeu. Car du jeu, IL Y EN A ! Sur un des nombreux débordements de l’esthétique piston allemand – qu’on va finir par surnommer avec un nom de bolide manufacturé outre-Rhin – le ballon est dévié par un crâne nîmois, et revient sur Crakuta. L’habile Numero Diez lensois remet intelligemment – pléonasme – le ballon dans la boite aux six mètres, pour un nouveau dégagement malhabile nîmois. Ce n’est pas sur compter sur notre Jo Clauss, qui comme quasiment tous les lensois depuis le début de la saison, avance sur son adversaire, et se retrouve en position favorable sur le deuxième ballon. Le droitier enchaine alors une demi-volée du gauche qui malheureusement, était trop parfaite. On était vraiment proche d’une nouvelle masterclass du RC Lens, Reynet ayant cette fois-ci décidé de faire une parade digne d’un blockbuster du monde d’avant.

Encore, toujours. Issiaga Sylla, le peintre incompris, déborde sur le côté gauche et voyant approcher le point de corner, voit apparaître dans son subconscient des images de Lalaina. C’est à ce moment-là qu’il déclenche le centre, qui atterrit dans la zone de Ignatius « Danger Man » Ganago. Le camerounais, qui d’un jump sec envoie le trop petit Cubas paître en Camargue, remet parfaitement le ballon de la poitrine à FS7, dont la reprise du gauche s’en va tutoyer la barre transversale nîmoise. Force à Soto.

Il va falloir qu’on se repenche sur le petit trapu formé aux Brasseries du Cameroun. Ce mec, que tout le monde a raillé au moment de la signature, « démonstre » chaque semaine qu’il est capable de marquer du gauche, du droit, de servir de point d’appui sur les ballons aériens mais également d’éliminer balle au pied. Avec Ganago, on joue à 12 ou à 13. Et sur les attaques menées par Gaël Crackuta, il trouve à chaque fois la parade.

Trente-troisième minute. L’action du match. Kakuta fait tout. Enfin presque tout. Le ballon est à peu-près dans les pattes du longiligne Fomba, quand celui qui n’aurait jamais dû avoir joué à Amiens récupère le ballon sur une nouvelle phase de pressing. S’en suit une remontée de balle sur le côté gauche, suivi d’un centre absolument parfait dans les six mètres nîmois, qui plus est dans la course du bolide de Douala. Ce dernier, qui marche sur l’eau depuis quatre matchs, ajuste Reynet d’un plat du pied décroisé pour ouvrir la marque (1-nil). Vol de l’Aigle Phœnix. Lens c’est la Champion’s League !

C’est à ce moment que la sobriété lensoise craquelle. On ne les enverra pas à l’échafaud, mais certains sur les réseaux se mettent à publier le classement « live » du RC Lens, qui avec ce score de unazéro est virtuellement devant le LOSC. Même quand tu es en pleine bourre, méfie toi de l’angelot du malheur qui surveille tout acte de vanité.

Merci Soso, des bisous ;

La deuxième mi-temps reprend sur le même rythme qu’elle s’est terminée. Bien que moins dangereux dans le jeu, les lensois semblent intouchables. La superficie du Royaume Sang et Or semble s’élargir de semaine en semaine. La Capitale est toujours à la Gaillette, mais les provinces conquises semblent s’accumuler. Ce dimanche après-midi, le croco semble docile, prêt à être administré par l’Empereur Haise et ses légionnaires.

Mais au tournant de l’heure de jeu, une légère brise se lève. Le vent siffle au contact des vieilles pierres des ruines du Colisée. Les fenêtres claquent, les troupes adverses se rassemblent, resserrant leurs rangs. Footballistiquement, Nîmes adopte une stratégie de jeu plus direct, balançant des longs-ballons sur les plages de la Grande Motte afin de très vite s’extraire d’un pressing lensois un peu moins étouffant que d’accoutumée. Les centres arrivent dans la surface du berger Jean Leca, les frappes mollassonnes ont le mérite d’exister. Les nîmois gagnent de plus en plus de duels, et récupèrent les fameux seconds-ballons. Il va falloir tenir.

Lens joue plus bas, mais l’arrière-garde veille au grain. Badé est phénoménal dans les duels tout ce qu’il fait, Fortes et Medina sont des stoppeurs sûrs. A la soixante-seizième minute, Kakuta touche un de ses derniers ballons. Il est important de revoir l’action, tant celle-ci est sublime. GK10 est dans la moitié de terrain lensoise, à dix mètres du point central du terrain. Après un contrôle, il exécute une passe longue dans la profondeur à destination de Banza. Je vous avoue que sur le coup, je me suis demandé si on assistait à une passe ou un simple dégagement du type « ça gagne pas mais ça débarrasse ». Bref, jamais je n’imaginais que Kakuta allait incrémenter le principe de l’ouverture en profondeur, avec cette innovante « passe laser en cloche » qui atterrit pile dans la course de Banza, offrant à Babyface Killah un face-à-face qu’il aurait dû remporter.

Le Racing a manqué le KO, et c’est un mal récurrent. Le manque d’efficacité offensive aura encore sévi. Il fallait désormais serrer les fesses afin d’éviter que le Dieu du Football nous glisse un suppo rouge et blanc non nécessaire, et disons-le clairement, non désiré. De toute façon, qui ici aime les suppos ?

On joue la quatre-vingt-septième minute, quand le capitaine Briançon balance un long ballon sur le côté gauche de l’attaque nîmoise. Le toujours très fougueux Rippart, plutôt discret jusque-là, prend le dessus sur le petit Boura, entré pour suppléer le piston allemand qui avait bouffé tout son SP98. Isma, encore un peu crédule dans son placement défensif, voit le réveil du croco en première loge. Rippart pénètre la surface de réparation lensoise avec son style très chevaleresque, et centre en retrait. Le ballon navigue dans la surface, touché par le mollet d’un Fortes pris à contre-pied, pour arriver aux six-mètres, plein axe. Le Zinedine du Pauvre, maîtrisé jusque-là, ajuste son plat du pied sécurité. L’âme de Croco.

Consolante :

Ecrit par L2F

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