Il n’aura donc fallu que 19 secondes au Racing Club de Lens pour encaisser son premier but de l’année à Bollaert. Comme le mec qui attend depuis trop longtemps et qui se finit à peine arrivé le premier frottement, voilà de quoi refroidir un peu les ardeurs des 35000 bonhommes qui attendaient un retour à la maison depuis près d’un an.
Pourtant, s’il y a encore quelques années ce but aurait marqué le début d’un long calvaire de 90mn, le Lens Nouveau, celui qui manie la propaganda et le sens du spectacle comme le plus assidu des soviétiques, n’en restera pas là, offrant à un public de Bollaert incandescent un retour dans l’élite sans l’élégance d’une victoire éclatante mais avec la force sauvage des émotions violentes.
La journée avait tout pour virer au drame : un temps magnifique, un stade surexcité paré de ses plus belles collections de maillots, sur le tifo comme en tribunes, une équipe joueuse pas détestée en face, un mois d’août toujours enivré des promesses de la saison passée.
Si on a un tout petit peu d’expérience avec le RC Lens, on voit arriver ces matchs avec une forme de joie malsaine, un masochisme subtil, on trépigne d’impatience pour y être tout en sachant que ça va mal se passer, et on affronte le match avec la folie de l’amoureux éperdu, le blason du club sur nos maillots cachant le serpent du doute lové dans notre sein.
La vérité, c’est qu’on n’efface pas quinze années de désillusions avec une septième place, et, comme les vieux qui ont connu la guerre et qui remisent leurs conserves et congèlent leurs ris de veau dans la crainte superstitieuse de jours sans pain, on ne peut s’empêcher de barricader nos cœurs dans l’attente d’une douleur qui frappera inévitablement.
Alors franchement, quand Kazhri a fait sa petite promenade de santé dans la défense pour aller chercher le fond du filet moins de 20 secondes après l’engagement, on était sûrement un peu déçu mais pas tellement étonné.
A vrai dire, certains d’entre nous ont même probablement ressenti comme un soulagement coupable, comme un goût de monde d’avant, quand les surprises étaient souvent mauvaises et les rendez-vous toujours manqués.
Mais le RC Lens désormais, ce n’est plus le rôdeur de catacombes que nous avons connu et dont la simplicité peut parfois nous manquer. Qu’il était facile alors de simplement se prendre la tête à deux mains et de noyer son chagrin et sa motricité dans l’alcool de piètre qualité. Qu’il était délicieusement pratique d’écrire des articles de débrief’ moquant les passes de l’un, les tirs ratés de l’autre. Qu’il était réconfortant de vivre dans un monde sécurisé aux repères fixes et aux défaites écrites d’avance.
Or là, en ce dimanche après-midi, la catastrophe qui nous était promise, qui nous était peut-être même due, cette catastrophe inéluctable que l’on voyait se mettre en place comme dans un film, sans pouvoir rien y changer, et dont l’issue nous tendait les bras comme on tend les bras à un matelot qui se noie, cette catastrophe n’eut pas lieu.
A peine le but encaissé, le bloc lensois repartait à l’assaut du terrain, comme si rien ne s’était passé.
Retourné acrobatique, tir à gauche, tir rasant, coup de pied arrêté, tir à droite, pressing, demi-volée, relance rapide, toute la panoplie de la parfaite équipe de football y passe.
Pendant que la clepsydre de la première mi-temps écoulait lentement ses minutes impatientes, le Racing nous offrait un spectacle que l’on ne peut qualifier que de plaisant, enchaînant les actions avec l’envie d’en découdre, amplifié par un stade qui, s’il était étonné de ce qu’il voyait, ne le laissa pas ressentir dans son niveau acoustique.
Enfin, à la 36e minute, les efforts payent et la tête d’Ignatius Ganago vient magnifier un centre de Clauss pour envoyer le ballon dans le petit filet, preuve qu’on peut avoir un prénom à vivre dans le monde d’Harry Potter tout en ayant le plafonnier bien accroché.
L’éga-L’égalisation, comme le chantait Ska-P.
Quelques secondes après ce but, l’arbitre de la rencontre M. Delerue se permettra d’illustrer son excellent sens du placement en se retrouvant passeur décisif pour un Clauss dont le but sera évidemment refusé. Voilà qui manque cruellement de fun, mais que pouvions-nous attendre d’autre d’un homme qui semble être un croisement entre Florent Balmont et un elfe des bois ?
Les équipes atteindront la mi-temps sans plus de cérémonie, et à la reprise les Stéphanois (oui parce que, je ne l’ai pas encore précisé, mais c’est contre Saint-Etienne que l’on joue) reviennent plus combattifs, sûrement poussés pendant la pause par la légendaire fougue de leur entraîneur, Tous à Puel et on se caresse.

Alors se déroule devant nos yeux le planisphère de la fatalité : à force de tenter ça finit par passer, et les Verts sont devant suite à un but de Bouanga dès la 52e minute, comme quoi on peut marquer en Ligue 1 même en s’appelant Athanase.
Bis repetita : on est mené, alors on se jette dans l’arène césarienne comme une meute de morts de faim, et c’est finalement le Captain AmericainFricadelle, le sauveur des nations, Seko « Tous ses pieds sont bons » Fofana, qui vient concrétiser tous les espoirs du peuple Sang et Or à la 77e minute.
L’éga-L’égalisation, comme le chantait Ska-P.
Le dernier quart d’heure balancera entre changements tous azimuts et incursions plus ou moins violentes dans les aires de jeux des uns et des autres, jusqu’à des frappes splendides (Doucouré, Fofana) qui auraient pu passer si les Stéphanois n’avaient pas été protégés par la Grande Muraille de Green, qui confirme une fois de plus qu’on peut être un grand gardien à Saint-Etienne même si on a encore tous ses cheveux.
2-2 score final, match qui n’aura de nul que le nom.
Et me voilà bien embêtée.
D’un côté, la catastrophe inévitable n’a pas eu lieu. Le Racing se sort honorablement de ce match compliqué, montrant un mental en béton armé dans une partie où il aura été mené à deux reprises.
D’un autre côté, le nombre de tirs vendangés et la multiplication des actions chaudes qui n’ont pas étés menées à terme laisse un goût d’inachevé après ce match qui, même en restant modeste, aurait pu être gagné.
Alors, que garder de ce match qui mêle très étrangement frustration et soulagement, fierté et déception ?
Vous avez lu le titre, et vous devez donc deviner ce que j’ai choisi de retenir : voir le verre à moitié plein, parce qu’il a été vide trop longtemps.
Écrit par @LaPoch
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