*Merluch est un jeu de mot entre Merlus et merlich (qui veut dire « c’est pas grave » en arabe).
Depuis dimanche soir, j’ai la bande sonore de la Marek qui me trotte dans la tête, le goût de l’américain qui revient à chaque expulsion d’air, les cordes vocales qui grattent sans me faire tousser, les flashs de cette tribune colorée que j’aime tant voir depuis mon perchoir préféré, la sensation de perte de contrôle sur le free-kick de Clauss, d’enivrement sur le coup de pied circulaire de Seko. Depuis maintenant près de dix-huit mois, mon supportérisme sang et or souffrait de rhumatismes, et c’est bel et bien ce bain de foule festif dans la sacro-sainte Marek qui m’en a débarrassé pour de bon. Que c’était kiffant de te revoir, mon vieux Félix Bollaert. J’aurais aimé que tu le gagnes, ce foutu match. Mais les remous que l’on a subi, encore une fois tous ensemble pendant quatre-vingt-dix et quelques minutes, m’ont apportés tellement de bonheur, de frissons, et d’ivresse. Ce serait vénal de n’exiger de toi que des victoires. Ce n’est pas ça l’Amour. Au Nord c’était les Corons, et depuis des mois, tu y vas, au Charbon.
L’avant-match est celui dont je rêve depuis longtemps. Passe sanitaire téléchargé, masque soigneusement plié, veste d’entraînement proprement enfilé, j’attends mon pote dans l’entrée de la maison de mon oncle. Le matin, je m’étais fait un petit footing de réveil, et avait trempé mon bout de morbier dans un café puissant comme Danso que m’avait gentiment préparé ma tante. Hébergé pour l’occasion, le voici qui débarque. Mon routier de Clamakin. Direction l’avant-match, pour un combo friterie slash binouze qui rythme les avants-matchs qui se respectent. Parce qu’on l’a toujours dit, le foot, c’est comme le sexe, mais en mieux. Les potes arrivent au compte-goutte. Des tronches que je n’avais pas revues depuis des mois. Passées les salamalecs et autres chambrettes d’usage, tout le monde se met en branle, direction ce majestueux Temple Blanc qui domine physiquement l’horizon de la ville. La foule progresse vers le stade, les pétards détonnent, le carnaval bi-mensuel reprend ses droits. Enfin.
Passées les barrages sanito-sécuritaire, on retrouve l’emplacement préféré de nos émotions. On est entre nous, vaccinés certes mais toujours autant contaminés par ce virus qu’est le football en sang et or. Cette maladie que l’on ne soignera probablement jamais. Qu’on soit en Marek, en Delacourt, ou même en VIP, entrer dans Bollaert provoquera toujours cette réaction anatomique connue de nous toutes et tous. Les frissons me prennent, et ce n’est pas un effet secondaire de ma vaccination de l’avant-veille que je ressens à ce moment-là de la journée.

Ce match, qui oppose deux entraîneurs cités pour le trophée du meilleur coach de la saison dernière, démarre alors que l’on élucubre encore sur les raisons de l’amour passionnel qui règne entre Lemoine (le Lorientais) et la Marek. C’est avec une forme de soulagement que l’on constate que le RC Lens réussit à prendre un meilleur départ que contre l’ASSE. Les chœurs lensois vrombissent, excités par la prestation cinq étoiles d’un speaker qui a clairement le Racing dans la peau. Le démarrage est habituel, les Sang et Or pressent rapidement les oranges, envoyant du watts afin d’ouvrir cette fichue conserve de Merlus renforcée par une chaîne métallique et son cadenas. Mais dès l’entame, ce sont bien les occidentaux de Lorient qui tentent de prendre à défaut l’arrière garde lensoise. Heureusement qu’ils sont habitués à pêcher dans le dernier geste. Clauss tape également le poteau sur coup franc. Lens est bien en place, et Lorient semble prêt à jaillir. 24e minute, le meilleur pote de Lemoine (le speaker de Bollaert), Frankowski, est déstabilisé peu avant l’entrée de la surface de réparation. Je glisse un très sensuel « il la met » dans le cou de Tonton Friedrich quelques secondes avant la première explosion de la journée. Jo Clauss, habitué généralement à mettre des misères sur son côté droit, envoie une merveille de coup franc direct dans la lucarne basse de Nardi. Aux anges.
Le stade s’embrase, et on va passer un bel après-midi. On n’a à peine eu le temps de mûrir cette réflexion que tout le collectif lensois se fait prendre sur une seule et unique phase d’attaque placée. Tel un immeuble de la Cité des 3000, l’arrière garde Sang et Or se fait dynamiter par une passe de Laporte, un contrôle d’Abergel et une finition de Laurienté. Du pertuis de la défense au boulevard vers la cage de Leca. Vous avez dit inquiétant ? Oui, parce que je suis prêt à accepter beaucoup de choses dans le football, mais se prendre un but sur une frappe écrasée de Monconduit, ça m’irrite légèrement la moelle épinière. Je rubéfie de colère, à tel point que j’aurais pu éclater mon Mug BM sur la gueule de Monsieur Foote si je l’avais eu à portée de main. Plus on avance, et plus on sent le Racing perdu. Lorient creuse ses tranchées, et nous explique implicitement qu’il va falloir un peu mieux surveiller ses deux flèches, au risque de boire l’eau du pédiluve jusqu’à la lie. Je vous laisse imaginer le goût que ça peut avoir.
En dépit d’une accalmie avant la mi-temps, Lens semble avoir du mal à régler le problème tactique posé par les trois milieux lorientais. Toutefois, sans se montrer outrageusement dangereux, Franck Haise et ses hommes reprennent petit à petit le fil du match. C’est sans compter sur le danger représenté par les deux torpilles lorientaises, indécelables même par les équipes de l’IFREMER. « 62-Moffiteu » et « Contrôle Laurienté », à trois reprises, se prennent les pieds dans le tapis vert de Bollaert, manquant d’ajuster un Jean-Louis Lèque inégal. Ça sent le brun, le remugle même.

Être mené à la mi-temps n’a rien de fataliste. Et c’est également le cas jusqu’à tard dans une partie. C’est pour cela qu’il ne faut jamais lâcher l’affaire. Il faut y croire, jusqu’au bout. Se mettre dans un état de quasi transe hypnotique et chanter en n’ayant pour destination finale que la victoire. A l’évidence, Lens semble souffrir d’un léger tour de rein mental. Mais le football est une fluante réalité. Et parfois, un être céleste apparaît inopinément pour contrecarrer la destinée. Pourtant surveillé par la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), Seko Fofana s’est encore élevé devant son parterre d’adorateurs. « IL SE LA LÈVE ! ET CLAQUE UN BUT EN MIDDLE KICK CIRCULAIRE ! »
C’est ce que j’aurais crié pendant de nombreuses secondes, en sueur, en plein milieu de la Marek. Avant d’être évacué en urgence par le SAMU. Le match aurait été arrêté douze minutes. Les copains, soucieux de préserver ma dignité, m’auraient recouvert d’écharpes et drapeaux pendant que les secouristes m’emmenaient sur brancard. Ce sont les dires du docteur qui me faisait face lors de mon réveil. Oui, je suis revenu à la conscience 48 heures plus tard, allongé dans une chambre de la Clinique du Littoral, hôpital psychiatrique de Rang-du-Fliers. Retenu par une camisole fichtrement serrée, j’avais au-dessus de mois quatre paires d’yeux qui me scrutaient dans un mélange d’inquiétude et de curiosité. J’essayais de me dépêtrer de l’étreinte insupportable de cet ustensile médical que j’estime être destiné aux fous. On m’a raconté ma crise délirante, le voyage en ambulance jusqu’à l’hosto. Plusieurs fois. On m’a demandé ce que j’en pensais, le docteur parlait et ses trois assistants prenaient des notes, mais à chaque fois je répondais la même chose. « Ce qui s’est passé est réel ». Ils m’ont prolongé mon séjour jusqu’en octobre 2023, jusqu’à ce que je finisse par comprendre qu’il me fallait mentir. Parce que je suis sûr de ce que j’ai vu.
Écrit par L2F
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Les 10 mots de l’article précédent étaient : intubé, viscéral, galopin, mousse, saumon, hortensia, sextant, ménestrel, cornemuse, amiral.
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