Expérience métaphysique pour prestation anthologique. Difficile d’écrire sur BM en étant gavé de victoires, c’est toute notre ligne édito qui s’en voit chicotée. L’essence même de ce qui faisait le RC Lens de l’ère préhistorhaise me manque parfois. Attention, les mots ont un sens, et celui-ci est lourd. Car dans les faits, le RC Lol ne me manque que rarement. Franck, si tu me lis, surtout reste comme t’es ! Expérience métaphysique, disais-je. Car, au-delà de la difficulté que cela doit être au quotidien, j’ai voulu retrouver le goût de la lose en me mettant dans la peau d’un supporter rémois, le temps d’un débrief.
Il y avait de quoi être fier (d’être rémois donc) avant la rencontre. Le Stade, qui n’a de style que son entraîneur, est devenu quelqu’un cette saison. Présenté par Haise comme un ersatz de l’OM, notamment dans sa capacité à exercer un pressing homogène et intense, l’ancien club de Raymond Kopa se déplace à Bollaert fort de sa dynamique, et accompagné d’une belle délégation de supporters, représentant peu ou prou la totalité de son stade. Bollaert est une nouvelle fois plein comme un supporter lensois, en dépit de l’absence de ses chefs d’orchestres habituels, pleins eux aussi mais à l’extérieur du stade pour avoir fêté un anniversaire avec un poil de démesure.
Et les Rouge et Blanc, en plus d’être solidement installés dans le Top 10, nourrissent des ambitions. L’Europe étant trop loin, il s’agit surtout de se faire kiffer jusqu’à la J38. Depuis son arrivée sur le banc, Will Still affiche un bilan qualitatif et quantitatif de premier ordre. Le FMiste n’a rien de fumiste. Et le bougre porte bien son nom, puisqu’il en veut toujours plus et compte bien faire appliquer ses principes de jeu jusqu’au bout du championnat. Peu importe si le Racing est le taulier européen à domicile. Les paroles sont suivies d’actes et les rémois entrent bien dans leur match. Le narratif dira que les Sang et Or ont été concassés (ndlr : faux), on préfèrera la sémantique de la perturbation. Il pleut, il mouille, et Kevin Danso est pris dans la profondeur par Munetsi. Schwarzi joue à la poussette, pénalty, Pignard sort le rouge. Le Vieux Port entre en transe, le coin de la bouche encore blanchie d’une salive sèche (ndlr : je redeviens lensois). On les savait dangereux, les voilà décisifs : Balogun scores while Marshall matters.
Thomasson : « le temps joue pour nous »
En bonne position, les rémois. Déjà plutôt à leur avantage à égalité numérique, les voici à un de plus dès la 20ème minute de jeu, dans un Bollaert certes bruyant, mais tout de même orphelin de ses trublions préférés. Et puis, on les sent sonné, ces lensois. Sans pour autant sortir de leur match, les occasions sur le but de Samba se succèdent. Avant le suicide. Manu Agbadou entre en scène. L’ivoirien se dit que le moment de tout foutre en l’air est venu. Le colosse ivoirien, fort dans les duels mais dont les fils se touchent parfois, éjecte Thomasson dans un duel qui n’avait pas lieu d’être, au bout du monde de la surface de réparation. Franko, dont la température corporelle tutoie celle des plaines de Silésie en plein hiver, égalise d’un pénalty plus centriste que le gouvernement d’Elisabeth Borne. Lens revient au vestiaire avec une confiance gonflée à bloc, un stade qui y croit, alors que Thomasson se permet de déclarer au micro d’Amazon que le “temps joue pour nous”. Tous les ingrédients de l’irrationalité sont épluchés et déjà en évidence sur le plan de travail. La deuxième mi-temps finque eul’sulfites.
Seconde mi-temps, les Corons résonnent. Sur le gazon, le momentum reste plutôt rémois. Possession relative pour domination stérile, Abdelhamid et les siens ne semblent pas à l’aise lors de ce rencard avec la victoire. Lens adopte logiquement la tactique militaire de la tortue, lignes resserrées avec bloc bas, Openda laissé seul devant et faisant office de lance. Patience et réalisme. Samba fait du Neuer, et Lens du Lens. A ce moment-là, le match nul est plutôt un bon résultat pour les biloutes. Avant l’irrationnelle 57ème minute. Macha touche Fofana qui se retourne, noie Cajuste d’un mouvement de corps, passe l’épaule sur un Agbadou qui aurait sûrement dû faire sa faute à ce moment-là, avant d’aligner Diouf d’une frappe décroisée. Bollaert explose, et chante la gloire de son héroïque capitaine de numéro 8. Le coach rouquin imite la moue affichée en mondovision par la grande bouche croate cinq jours plus tôt.
71ème minute, Falogun est trouvé dans la profondeur, et pense être inspiré lorsqu’il se prend à imiter Léon Marchand. Le péno est sifflé par Pignard, mais logiquement déjugé. A part ça, pas grand chose. Le mur coulissant des lensois empêche la création d’espaces, et le Stade de Reims, plutôt habitué à la verticalité, s’emmêle les pinceaux à devoir contourner un bloc aussi hermétique. Bollaert retient sa respiration alors que les corner kicks se succèdent, et explose au coup de sifflet final. Appelé à se rendre au pied de la Marek, le Roi d’Artois fait disjoncter le stade pour la 16ème fois de la saison. Seko et ses bonhommes ont encore tout chicoté sur leur passage. Le brillantissime coach anglo-belge estime que son équipe a donné le match. Mais dans ce duel opposant deux des meilleurs coachs de L1, les rémois peuvent surtout s’en vouloir d’être tombé sur un tel RC Lens.
L2F
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