J36 – Raconte nous un Moustoir

Je vais pas te mentir, vieux mug hunter historique ou jeune arpenteur des internets de passage, j’ai pas vu le match. Déjà parce que je pensais qu’on jouait en soirée, alors que pas du tout, et ensuite parce que la vie des fois, c’est plus de « bordel mais pourquoi cet enfant veut-il absolument mettre ses doigts dans une prise » et moins de « ouvrons donc une petite bière devant ce match alléchant mon amour ».

Ainsi donc, j’ai découvert le score au détour d’une pause de parentalité en ouvrant Twitter, et bien que je fusse fort aise, j’ai été un peu déçue d’avoir raté la danse. Qu’importe, laisse moi te débriefer comme jamais. Après tout, s’il fallait avoir vu les matchs pour en parler, on pointerait sec au chômage dans la rédac de RMC.

J’ai la compo. J’ai le score. J’ai le recap de fin de match de la LFP. J’ai mon imagination. J’ai ma connaissance poussée des mécanismes de jeu sous-jacents dans la construction footballistique du board lensois. L’une de ces affirmations est fausse.

Alors je vais te raconter ce que je pense que le match a été. Et si cette phrase ne sonne pas français, c’est qu’elle est grammaticalement bancale. Et si ça s’est pas passé comme ça, et bien ça aurait pu, et c’est déjà quelque chose. Et si ma tante en avait deux, on l’appellerait mon oncle. De toute façon c’était soit ça, soit un debrief écrit par ChatGPT.


Plantons le décor pour commencer.

Stade du Moustoir, bastion du football français.
Stéphanie Frappart, bastionne de l’arbitrage français.
Note pour moi-même : vérifier ce que veut dire le mot « bastion ».

36e journée, money time, sprint final, dernière ligne droite, dernier coup de collier. Choisis ton expression favorite.

On arrive avec une petite pression, celle du « coup à jouer ». L’OM a perdu la veille contre les caniches ce qui, soit dit en passant, nous place le cul inconfortablement entre la chaise « contents que l’OM perde » et la chaise « fais chier Lille a gagné ». Cela dit, cette défaite est fort étonnante, puisque que ce n’était pas Turpin au sifflet, et qu’il paraît que c’est la seule raison qui peut les amener à perdre. Le coup de la panne « Désolé chérie ça m’arrive jamais » est toujours plus difficile à expliquer quand c’est la deuxième fois d’affilée mais passons.

Il y a encore quelques temps, on aurait chié des bulles en grappe de douze face à une opportunité beaucoup plus bonne que la plus bonne de tes copines mais la cuvée 2023 du cru RC Lens a une petite touche de même pas peur qui nous permet de se dire que ça pourrait bien le faire. En face, le FC Lorient. Dans un souci d’honnêteté intellectuelle qui caractérise, avec la bonne foi et la fraternité entre les clubs, l’esprit de Bollaert Mécanique, je t’avoue cher lecteur que j’ai dû aller voir un peu la situation footballistique de ce grand club dont je n’ai pas suivi, à ma grande honte, la saison. Deux défaites, deux victoires, un nul dans les cinq derniers matchs. Dixième place au classement. Si le « ventre mou » avait une définition dans le grand dictionnaire de la vie, elle aurait pour illustration une photo d’une ancienne gloire du foot qui mange une brandade de merlu.

Jour de poisson à la cantine

Le match commence donc, et là je laisse mon imagination parler, dans un stade chaud bouillant sous un soleil de plomb.

6e minute, but de Lorient.

Quelque uns (pas moi, évidemment, moi à ce moment-là j’étais en train d’empêcher mon gamin de manger un rouleau de PQ) ont dû sentir quelques bulles se frayer un chemin dans le fondement. Syndrome post-traumatique classique pour qui a vécu des matchs le lundi soir.

Vexés mais pas abattus, il me paraît naturel de penser que nos joueurs ont repris le pied sur le ballon, et qu’ils se sont vaillamment lancés à l’assaut du but lorientais. Et ce n’est pas l’enchaînement de deux buts lensois, à la 20e et la 25e minute, qui me font penser ça, mais bien le fait que, parmi les nombreux compliments qu’on peut faire à cette équipe cette année, celui qui me plaît le plus est qu’on est sur une bande de mecs qui ne lâchent pas l’affaire.

Cette envie collective d’absolument tout donner permet à la fois d’excuser quelques errements défensifs ponctuels et de mobiliser le public dans toutes les situations. A une époque où l’exploit ne peut être médiatiquement qu’individuel, autant pour les stats FIFA que pour la génération de datas complexes, avoir une vision globale de jeu à l’échelle d’une équipe est un ilot d’air frais dans le réchauffement climatique du football.

1-2 à la mi-temps donc, les bulles sont retournées vivre leur vie de bulle, coincées quelque part entre un sandwich triangle avalé sur l’autoroute et une bière tiédie par les longues heures de route.

Le résumé du match que j’ai à ma disposition étant plus que succinct, je me trouve une nouvelle fois confrontée à la nécessité d’inventer ce qu’il a pu se passer jusqu’à la 87e minute. Quelques attaques bien placées du côté lensois, peut-être un ou deux beaux arrêts de Brice Magic Samba si Lorient était en forme, quelques jambes qui traînent et des cartons qui suivent. C’était un match de football hein, pas la prochaine revue du Moulin Rouge, vous ne pouviez pas vous attendre à plus que ça. J’imagine un match plaisant mais dont les minutes creuses ne resteront pas gravées à tout jamais dans les mémoires du jeu de balle au pied. Je l’espère, surtout, étant donné que je l’ai loupé.

Enfin, quelques poignées de secondes avant la fin du temps réglementaire, Fofana vient renvoyer nos maudites bulles très loin, guérissant à sa façon un peu plus durablement les traumatismes inhérents à un passé douloureux, rempli d’occasions manquées et de rendez-vous ratés.

Quand t’as pas pris ton Fofanac 2MG au petit dej’

1-3 score final, au loin on entend les bribes d’un discours enragé. Il a des accents marseillais, mais on n’a pas l’occasion de saisir ce qu’il dit, emportés par la clameur d’un parcage exultant, saisissant à deux mains l’espoir, tellement ténu il y a quelques semaines, d’une fin de saison historique. Y-a-t’il plus enivrant que de se laisser porter par cette sensation instable, ce « on y est presque », cet abandon de la raison au profit de la folie ? Je crois bien que non.

Enfin, si peut-être. Il y a l’hymne d’une compétition européenne qui résonne dans un stade survolté un mardi soir d’octobre.

Imaginé par @LaPoch

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